lundi 7 novembre 2016

Les faits qui ont marqué les cinq années de crises 2/2

Partie 2: Un faux départ très luxembourgeois

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Voilà bientôt 5 années gaspillées pour une fusion ratée des deux centres de recherche publics (CRP Tudor et Lippmann) et un faux départ du LIST. Le départ de Gabriel Crean constitue un point culminant et visible de la crise permanente qui s’est installée au LIST. Ce choc a été vu par certains médias, d’autres continuent à passer sous silence ce qui se passe dans un établissement public de plus ou moins 700 employés, ce qui est énorme à l’échelle luxembourgeoise.
Claude Wehenkel

Résumons la première partie publiée le 17 octobre 2016. L’idée de fusionner les deux CRP ne date pas d’hier. Elle a été présentée en 2005 aux experts par le CRP Tudor pour le premier rapport OCDE sur l’innovation et la recherche au Luxembourg. Elle a été mentionnée publiquement par le CEO de Tudor lors de la présentation officielle du rapport en présence de presque tous les responsables politiques et institutionnels en mai 2006.
A ce stade, il s’agissait de créer un pôle unique du type RTO, une « Fraunhofer à la luxembourgeoise » sur une base fédérative, comme la Fraunhofer Gesellschaft en Allemagne. Et c’est exactement le contraire qui a été mis en oeuvre par le CA du LIST. Il a mis en place une structure pyramidale, autocratique et ingérable. L’idée de créer une «Fraunhofer à la luxembourgeoise » a été relancée le 12 décembre 2011 lors de la fameuse réunion du CA du CRP Tudor. Mais elle a laissé indifférents ceux qui se sont installés à la barre pour piloter la fusion.




 La fusion légale des deux CRP devient effective au 1er janvier 2015. Toujours pas de CEO en vue. En attendant, le LIST est co-dirigé par les deux anciens chefs des deux CRP sous la férule de Jean-Luc Pitsch et de Georges Bourscheid:
Marc Lemmer est nommé CxxO chargé de la stratégie et de l’innovation. Il est difficile de se faire une idée précise de cette mission très spéciale. Il ne se montre pas à la hauteur pour résister à son alter-ego, un redoutable procédurier, un peu cachotier, doué de l’instinct du hamster efficace quand il s'agit de ramener de l'argent public, présent sur la scène de la recherche publique depuis 1987. Son back-ground de recherche est constitué par deux années d'activités d’enseignant-chercheur à Nancy et un doctorat de 3e cycle.
Fernand Reinig avait été nommé Chief Operating Officer (COO) au LIST en janvier 2015. Au départ de B. Ditzler, licenciée en mars 2015 probablement par Pitsch et Reinig, le CA nomme ce dernier directeur du personnel (CHRO) et supprime la fonction de COO.

Barbara Ditzler est licenciée en février 2015. Elle aura tenu à peine six mois! Pour rester à la direction LIST, Fernand Reinig accepte de se reconvertir en directeur des ressources humaines et de succéder à Barbara Ditzler.

Gabriel Crean entre en fonction début mai 2015. Il est confronté à une entreprise en mauvais état. Manifestement, le comité de recrutement chargé de trouver un CEO du LIST n’a pas réussi à trouver le bon profil parce que la notion  de RTO était probablement mal comprise et les CV pas vraiment analysés. Peu de transparence, beaucoup de rumeurs, tout cela rappelle les débuts de l’UdL. Au minimum, il y a eu des erreurs d’appréciation. Ce premier faux pas est évidemment lourd de conséquences. Mais, on ne peut pas l’imputer à la personne recrutée, c’est la responsabilité des recruteurs qui est engagée. Dans ces conditions, on ne peut pas reprocher à Gabriel Crean de poursuivre au LIST  ce qu’il savait bien faire au CEATech à Grenoble: le travail de lobbying auprès de la Commission européenne. Ce n’est vraiment pas ce qu’il y a de plus essentiel pour un RTO "normal" dans un tout petit pays. 



En 2014, les mises au placard des anciens de Tudor deviennent la règle, des listes noires se développent à tous les niveaux. Des rumeurs de harcèlements hiérarchiques s’amplifient. Plus ou moins 150 collaborateurs essentiellement issus du CRP Tudor auraient quitté le LIST. Le nouveau CHRO n’aime pas les chiffres absolus, il préfère diffuser des pourcentages…




Dès son arrivée à Luxembourg, il est porté aux nues par les flagorneurs de service. Effets d’annonces, un peu de folie des hauteurs, de l’auto-congratulation, des ambitions farfelues. L’homme providentiel est adulé sans mesure. On dirait un club de football qui s’offre une vedette mondiale avec l’argent des émirats. Citons une perle parmi beaucoup d’autres: «Comme vous le savez tous, en raison du succès considérable dans nos relations avec les clients publics et privés, nous sommes en train d’accélérer le recrutement au LIST. Il va sans dire que, pour établir un RTO de classe mondiale, nous devons continuer à identifier et à attirer des compétences de haut niveau… (Début du communiqué au personnel du 28 octobre 2016).



Plutôt que de calmer le jeu, il relance ou laisse faire la guerre des chefs. Marc Lemmer est poussé à la démission en octobre 2015. Son poste disparait avec lui. Les postes de COO et CxxO attribués aux deux anciens responsables des CRP, disparaissent sans avoir jamais existé. 


Gabriel Crean essaie de reprendre le contrôle de la situation, tout en évitant les contacts directs avec le terrain. En septembre 2015 Gabriel Crean fait venir Aziz Zenasni, son plus proche collaborateur au CEA-Tech de Grenoble. Crean lui attribue le poste de « directeur des programmes » poste qu’il avait déjà occupé au CEATech. Présenté aux employés du LIST en décembre 2015, le personnel qui ne l'a jamais vu auparavant pense qu'il vient juste d'arriver. Les employés du LIST ne sont pas informés de la mission exacte du tout nouveau « directeur des programmes ». 

23 août 2016: Gabriel Crean adresse un communiqué à tous les collaborateurs du LIST: «Votre bien-être au travail est très important pour moi… Avec la délégation du personnel, nous avons décidé de lancer une enquête interne sur le bien-être au travail… J’ai donc le plaisir de vous annoncer que l’enquête [ du Service de Santé au Travail Multisectoriel (STM)] se tiendra à la rentrée, dès la mi-septembre. J’ai mandaté notre CHRO, Fernand Reinig, pour assurer avec son équipe le pilotage du projet… ». Ce communiqué publié en intégral par La Gazette, est très instructif:
1) Le CEO décide avec la délégation du personnel et reconnait par là-même l’existence de graves malaises concernant le bien-être au travail.
2) Il ordonne à Fernand Reinig d’exécuter la décision prise par lui et la délégation. 
3) Gabriel Crean a peut-être accéléré sa propre destitution en imposant une enquête dont Reinig et Bourscheid risquent de faire les frais. Le sacrifice du bouc émissaire devenait incontournable.
4) Le mardi 11 octobre 2016, 49 jours après le communiqué du 23 août, Gabriel Crean sera mis à la porte, comme un malpropre. Le même jour, Fernand Reinig est nommé CEO ad interim par Georges Bourscheid qui précise « Pour assurer la continuité des affaires courantes du LIST, et en attendant la mise en place d’une nouvelle gouvernance, M. Fernand Reinig, jusqu’à présent Chief Human Resources Officer, a été mandaté pour reprendre les missions de Chief Executive Officer de manière intérimaire. » Le 28 octobre 2016, il signe son communiqué interne avec le titre de CHRO. 


Début octobre 2016 Jean-Luc Pitsch démissionne pour « raisons de santé ». C’est un cas peu fréquent: normalement un employé malade bénéficie d’un congé de maladie et garde son emploi. Le conflit d’autorité entre Pitsch et Crean était prévisible. 








Après le départ de Jean-Luc Pitsch, homme de confiance et compagnon d'infortune de Bourscheid, il n’y plus d’amortisseur  entre le président du CA et le CEO. Dans le passée, Georges Bourscheid ne séparait pas toujours de façon rigoureuse les foncions de président non exécutif de celles de la direction exécutive. Le conflit était programmé.

Le CA du LIST se réunit le 4 ou 5 octobre 2016. De quoi est-il question, quelles décisions formelles sont prises, des chèques en blanc sont-ils accordés, existe-t-il un compte rendu de cette réunion?

Le soir du 11 octobre 2016, Gabriel Crean est démissionné à l’américaine par Bourscheid et Van Merlen,. Fernand Reinig devient CEO de « manière intérimaire » C’est une belle consécration pour quelqu’un qui n’a pas toujours caché son opposition à la fusion des CRP et au modèle RTO. Il a réussi à placer nombre se ses anciens collaborateurs à des postes clés de l’administration et de la direction. Tôt ou tard, il devront apporter la preuve de leur compétence.








28 octobre 2016: Le CHRO et/ou CEO s’enferme dans un déni de réalité par rapport aux faits graves rapportés dans le dossier du Quotidien. Il se sert d’une feinte classique, l’inversion des rôles. Il essaie de se présenter en victime agressée de l’extérieur, se dit solidaire avec ses chercheurs « lambda » prétendument trainés eux aussi dans la boue par les médias: 
« Chers collègues,
Je suis choqué par la une du journal « Le Quotiden » du 27 octobre 2016 qui résume de manière racoleuse l’article paru en pages 2 et 3 sur « la fusion des centres de recherche publics Henri Tudor et Gabriel Lippmann… un projet d’avenir prometteur mais compliqué". Je suis peiné de savoir que beaucoup d’entre vous ont lu cette une en éprouvant de la déception, de la colère, parce qu’elle essaie de dénigrer l’institut où vous travaillez et de dénigrer l’image du LIST auprès de ses partenaires nationaux et internationaux
etc.
Fernand Reinig, CHRO, 28 octobre 2016 » 

Suit la complainte d’un « chercheur Lambda » qui se termine par une drôle de litanie:

« Mais, aujourd'hui, à cela s'ajoute l'injustice de certains (qui sont dehors), 
l’irresponsabilité d'autres (qui sont dedans).
Aujourd'hui, je suis en colère.
Aujourd'hui, je n'accepte pas.
Aujourd'hui, je m'inscris en faux contre le LIST-bashing.
Je crois au LIST-RTO parce que c'est ce que mon employeur me demande.
Je crois au LIST parce que nous commençons à voir les résultats positifs de ce voyage en RTO.
Je crois au LIST parce que tout comme vous, tout comme mes collègues, je suis le LIST. »










ET MAINTENANT ?

La Gazette reviendra prochainement sur les points suivants:

Comment sortir de la crise? 
- Quelles sont les questions soulevées par cette crise? 
- Quels sont les dégâts par rapport à l’objectif RTO?
- Analyser pour mieux comprendre et mieux faire.

- Principes de base d'un RTO: Qualité, Transparence, Accountability.
- Règles de bonne conduite. 


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- Règles de bonne conduite.


1 commentaire:

Anonyme a dit…

Démission de Philippe Dubois:

http://www.greenworks.lu/actualites/le-list-annonce-un-changement-dans-la-collaboration-avec-philippe-dubois