mardi 17 novembre 2015

Le testament stratégique du CRP Henri Tudor


Bilan stratégique du CRP Henri Tudor présenté le 21 septembre 2012 par la Direction Générale au Conseil d’Administration arrivant en fin de mandat et recommandations aux membres du futur nouveau Conseil d’Administration en place à partir du 6 octobre 2012.



2012:
George Bourscheid, président du CA et
Marc Lemmer, directeur général


1. Introduction, Objet

Les résultats financiers du Centre en 2011 et ses prévisions pour fin 2012 ont rendu nécessaire une renégociation du Contrat de Performance 2011 - 2013. La révision des KPI financiers et de certains KPI scientifiques peut laisser penser à un infléchissement du positionnement du Centre par rapport à son orientation de référence qu’est le modèle de RTO. Le résultat de cette négociation a été accepté par le Conseil d’Administration en sa séance d’août 2012 sous condition que la Direction Générale s’engage à maintenir le positionnement stratégique du Centre.
Dans ce contexte, il a été jugé approprié de produire pour le Conseil d’Administration qui entrera en fonction à partir du 6 octobre un document présentant le bilan stratégique du Centre à l’aube de la fin du mandat du Conseil d’Administration actuel.
Outre de donner une vue d’ensemble de la situation du Centre, le document permettra aussi d’alimenter la réflexion sur les priorités stratégiques du Centre dans le contexte du regroupement avec le CRP Gabriel Lippmann.

2. Positionnement stratégique

Durant les 25 dernières années, le Centre a construit son positionnement et ses activités selon le modèle de ce qui est appelé aujourd’hui en Europe le modèle des RTO (Research and Technology Organisation). Ce positionnement est considéré comme un capital fondamental, «l’empreinte génétique» du
CRP Henri Tudor. Le métier du Centre est très spécifique et éloigné mais complémentaire au modèle universitaire classique. Le positionnement en tant que RTO situe le Centre comme un instrument ayant un impact direct en terme de progrès socio-économique puisqu’il contribue au développement des capacités d’innovation des entreprises privées et des organisations publiques du Grand-Duché de Luxembourg et de la Grande Région.
Pour maintenir ce cap, le Centre doit afficher et consolider les caractéristiques fondamentales suivantes :
Une base scientifique solide et orientée. Les capacités de recherche et d’innovation développées et transférées par le Centre sont fondées sur une démarche scientifique rigoureuse. L’excellence scientifique ne se justifie cependant que si elle est reliée à la fonction d’utilité et d’impact.
Une approche (multi)sectorielle de ses marchés. L’impact ne peut en effet s’appliquer et se mesurer que si des cibles claires sont circonscrites. Les activités en partenariat avec ces cibles prioritaires doivent focaliser l’essentiel des efforts du Centre et légitimer ses propres investissements.  
Une mission de « scientific policy support » multisectorielle. A l’image de nombreux RTO en Europe et surtout dans une société et une économie à échelle réduite, le support scientifique aux politiques nationales est une des trois missions du Centre. Etant donné que le législateur et l’exécutif peuvent être, selon le cas, des freins ou des accélérateurs d’innovation, il est essentiel pour le Centre d’avoir la possibilité et la liberté de s’associer à eux pour cette mission, indépendamment de considérations politiciennes.
Une pro activité stratégique. Ayant l’innovation comme mission première, c’est un devoir pour le Centre d’anticiper, ou au moins de favoriser ce qu’on appelle les « early adoptions ». Ceci nécessite un travail d’alerte et de persuasion auprès des acteurs-clés politiques, sociaux et économiques, et est idéalement appuyé par une démarche d’étude prospective. Le Centre doit s’efforcer d’être partie prenante des divers plans de développement ou plans d’action nationaux afin d’y intégrer la dimension d’innovation.
Une robustesse financière. Le corollaire de ce qui précède est que le Centre nécessite des capacités d’investissement pour construire, développer et améliorer ses propres compétences au côté des acteurs publics et privés. Pour être durables, ces investissements doivent se faire sur base d’une valorisation adaptée des compétences, produits et services du Centre et en relation directe avec l’impact attendu par ses partenaires privés et publics. Ces investissements doivent être réalisés en accordant une attention particulière à la maîtrise des coûts indirects et notamment des frais de personnel administratif.
La Direction confirme que la renégociation du Contrat de Performance ne signifie en rien l’abandon de ces principes fondateurs. Cette renégociation montre cependant que ces principes sont ambitieux et qu’ils nécessitent une attention et un engagement continus à tous les niveaux du Centre.
L’environnement économique et budgétaire en crise au Luxembourg et en Europe, les changements en cours au niveau de l’environnement national RDI et en particulier le projet de regroupement « NewCRP » de Tudor et Lippmann, constituent clairement des défis, mais aussi des opportunités.

3. Priorités stratégiques pour le futur proche

La Direction Générale est de l’avis que les sujets énumérés ci-dessous sont essentiels pour garantir le maintien et la consolidation du positionnement stratégique du Centre et surtout pour conserver son empreinte génétique de « RTO ». Les sujets sont présentés ici de manière sommaire afin de ne pas noyer les questions essentielles dans des explications chiffrées ou qualitatives. Ces sujets qui s’inscriront naturellement dans la considération plus large de « newCRP » seront à discuter par le prochain Conseil d’Administration qui en confirmera leur degré de priorité et décidera d’éventuelles actions à mener.

1. Approche des marchés d’innovation via des priorités sectorielles
L’approche sectorielle a été renforcée depuis 2011 via la mise en place de programmes
d’innovation corporate (CIP) prioritaires, avec pour chacun de ces programmes, une stratégie et un monitoring périodique des résultats et des impacts, sous la responsabilité d’un programme manager et d’un directeur de programme et en coordination avec les directeurs de départements RDI.
La réduction progressive du Contrat Research de 2009 à 2012 s’explique par une série de facteurs conjoncturels (environnement économique difficile, réduction sensible de la demande de certaines prestations de la part des entreprises privées, consignes de réduction de budget des partenaires publics) et structurels (perte de contrats publics récurrents notamment occasionnés par la création d’initiatives en recherche propres, arrêt de certaines activités de prestations matures pour être transférées vers des acteurs commerciaux, l’arrêt de certaines activités à vocation purement commerciale et en concurrence avec les entreprises privées) dont les détails avaient été transmis au CA 161 du 25 juin 2012.
L’amélioration des résultats en termes financiers et d’impact sur les marchés doit passer par :
- un ajustement organisationnel du dispositif d’approche des marchés, une
professionnalisation accrue du personnel en charge du développement des marchés, en particulier au niveau de la gestion de la relation client (CRM), ainsi que l’introduction d’un outil de gestion CRM approprié
- la pérennisation de la démarche d’établissement et d’analyse des résultats prévisionnels sur base des outils de planification budgétaire et de gestion prévisionnelle introduits en 2012
- une mesure de l’impact « marché » allant au-delà de la simple mesure des recettes par « Contract Research »
- la révision périodique (annuelle) des stratégies sectorielles avec un effort de priorisation et de focalisation des activités.
L’approche par marchés d’innovation sectoriels prioritaires doit être continuée pour le Contrat de Performance 2014-2017 et dans le contexte du « newCRP ». La révision de la stratégie sectorielle en place doit passer par une implication plus directe des stakeholders économiques, sociaux et politiques des secteurs-cibles, la promotion systématique des missions de « scientific policy support » auprès des politiques concernées (concept de «Centre de Ressources »), une synchronisation avec les politiques nationales sectorielles.

2. Approche de recherche scientifique et financement compétitif national via le FNR
Les années 2008 à 2012 ont vu une progression significative du « Competitive Funding » et des indicateurs scientifiques associés. La population des chercheurs juniors a progressé
rapidement, peut-être au détriment de profils mixtes ayant également une vision marché.
La tendance identifiée de la politique du FNR semble être celle d’aller de façon exclusive vers davantage d’excellence scientifique, ce qui n’est pas prioritairement et exclusivement l’objectif du positionnement de RTO du Centre. Deux risques opposés sont à craindre. Soit le Centre s’oriente dans cette direction, accepte ce challenge et risque de se détourner de son métier pour lequel il y a d’autres priorités d’excellence. Ou bien, il ne relève pas ce challenge et le financement de ses compétences par le FNR risque de décroître, avec l’effet négatif logique
sur les indicateurs de performance scientifique associés.
L’amélioration du financement de la recherche scientifique aligné avec l’objectif du Centre
doit passer par :
- la mise en place d’une direction scientifique du Centre (par département, thématique
scientifique ou au niveau corporate)
- un renforcement corporate des approches scientifiques avec une orientation claire vers
les terrains d’expérimentation que sont les marchés sectoriels
- la mise en place d’une concertation forte et systématique entre le Centre et le FNR,
articulée par la direction scientifique du Centre et adressant aussi bien les aspects de
gouvernance stratégique que ceux de gestion opérationnelle
- la négociation sur l’ajustement des instruments de financement de la recherche
scientifique, mais aussi des instruments de financement d’exploitation des résultats
scientifiques.
En vue du Contrat de Performance 2014-2017 et dans le contexte du regroupement
« newCRP », le processus de définition des stratégies de recherche scientifique nécessite :
- une priorisation claire dans les thématiques de recherche à poursuivre en tenant compte
de l’évolution des marchés prioritaires et de leurs challenges d’innovation
- un alignement de la stratégie de recrutement et de la politique RH sur ces objectifs de recherche orientée
- une revue de son approche organisationnelle (profil des départements et unités RDI)
- le développement d’une politique d’internationalisation (partenariats stratégiques)
- une maîtrise renforcée et une prise d’influence forte (en direct et via les acteurs
nationaux) au niveau des instruments de financement « competitive funding » nationaux (FNR) et surtout internationaux (Horizon 2020).

3. Relations avec le Ministère de l’Economie et du Commerce extérieur (MECE)
L’évolution de l’environnement national de la RDI publique via une plus grande synergie avec les fonds publics pour la recherche privée est considérée comme une nécessité. Dans ce sens, le dossier « Eureka » introduit par le Centre en 2012 au MECE et au MESR, constitue
une réelle opportunité permettant un financement des CRP par le MECE.
Par ailleurs, il faut thématiser la complémentarité, voire la synergie, plutôt que la concurrence entre les stratégies des CRP (programmes CIP) et celles du MECE (plans sectoriels), entre les activités de support à l’innovation du Centre et celles de Luxinnovation (clusters), entre les financements du FNR et ceux du Fonds de l’Innovation inscrit dans la loi RDI de 2009, entre l’effort de concentration des CRP et l’émergence de nouveaux acteurs avec (entre autre) une
mission de recherche (Statec, SMILE).

4. Relations avec l’Université du Luxembourg (UL)
L’évolution de l’environnement national de la RDI publique via une plus grande concertation
stratégique entre le Centre (respectivement le futur « newCRP ») et l’Université est considérée comme une nécessité fondamentale. Le projet de regroupement des CRP Tudor et Lippmann est le moment-clé pour définir la mission des deux piliers, RTO et Université, tel que proposé par les deux CRP dans leur vision 2020 du paysage national de la RDI publique. Cette définition de missions ne peut se faire que sous le leadership du MESR et dans le contexte d’une gouvernance politique améliorée.

5. Le support scientifique aux politiques nationales (Policy Support)
Comme pour d’autres pays de petite taille, le support à la définition, la mise en œuvre et
l’évaluation des politiques nationales et internationales est une mission importante du Centre et a pour objectifs :
- de supporter les pouvoirs publics dans la mise en œuvre de politiques européennes et
internationales, en tenant compte du contexte socio-économique spécifique du
Luxembourg
- d’anticiper certaines évolutions politiques et d’évaluer les impacts potentiellement
négatifs pour le Luxembourg, respectivement de développer des solutions adéquates
- de faciliter l’intégration ou l’interopérabilité du Luxembourg dans les dispositifs
technologiques européens
- d’augmenter ainsi la compétitivité des secteurs public et privé en créant un cadre législatif
et réglementaire propice et adapté au développement de la société et de l’économie.
Le «policy support» représente une part substantielle dans l’activité de certains départements ou unités, mais souffre actuellement de l’absence d’indicateurs de performance et d’impact appropriés. L’activité se traduit essentiellement par de la recherche contractuelle pour des ministères, administrations, syndicats et communes et des représentations dans des groupes de travail pour le compte de l’Etat, l’animation de workshops etc. Un volume important d’activités de recherche et d’innovation dans des projets FNR, FP7 ou encore INTERREG, vise le développement et l’expérimentation de connaissances, méthodes et  outils, pour répondre au mieux à la mission de « policy support ».
Les administrations publiques et les ministères ayant exprimé des besoins explicites ou
implicites ne sont actuellement pas ou seulement insuffisamment connectés de façon systématique aux milieux définissant les priorités de la recherche publique (MESR) ou établissant les programmes de recherche compétitive et disposant des financements (FNR). L’apport du Centre ne se fait pas de façon structurelle et durable, mais au coup par coup.
En vue de garantir la continuité de l’impact positif et du transfert important des résultats de RDI vers les acteurs, il est essentiel de prévoir des modalités de financement appropriées, permettant de couvrir toute la chaîne de l’innovation. Ainsi, il est essentiel que le Centre initie et soutienne toutes les initiatives visant un meilleur alignement des moyens financiers pour la RDI avec les besoins du terrain et augmentant ainsi l’utilité et l’impact des thématiques et projets de recherche. Le rôle des utilisateurs finaux dans la gouvernance de la recherche publique par le volet de « policy support » pourrait se faire p.ex. à travers un modèle de budgets de recherche orientée et compétitive, mis à disposition des acteurs publics, tel qu’adopté en Allemagne ou en Suisse (« Ressortforschung ») et discuté en partie avec le MESR lors des négociations du Contrat de Performance 2011-2013.

6. Finalisation et pérennisation de la politique de gestion RH
La politique des Ressources Humaines développée par itération depuis 2009 et se basant sur
une gestion des carrières axée sur la contribution professionnelle et la prise de responsabilités, nécessite d’être implémentée pleinement pour la première moitié 2013. Une fois acceptée formellement par le CA (avant la fin du contrat de performance actuel), il est entendu pour la Direction Générale que cette approche de politique RH répondant aux exigences d’une entreprise à haute intensité de connaissances (« Knowledge Intensive Firms ») sera maintenue et poursuivie dans le contexte de « newCRP », quitte à ce que soient opérées les adaptations jugées nécessaires.
L’évolution de la politique RH s’inscrit dans le contexte de la négociation d’une convention collective pour le secteur de la recherche, ainsi que dans celui du regroupement Lippmann et Tudor.

7. La gestion financière du Centre et la gestion de ses coûts indirects
La croissance des coûts indirects fait peser un risque sur la robustesse financière du Centre,
limitant autant sa compétitivité sur les marchés et sur les appels à financement compétitifs que ses capacités d’investissement en absorbant ses marges potentielles. La part des frais généraux en 2011 représente 35% de l'activité du Centre et n'a cessé de croître ces dernières années.
La Direction Générale entend suivre particulièrement l’évolution du ratio «personnel RDI et personnel administratif ».
Pour améliorer la gestion de l’activité indirecte, la direction préconise l’établissement d’un instrument d’analyse robuste sur l’évolution des coûts indirects, permettant notamment d’identifier clairement les origines de ces évolutions et la sensibilisation et la responsabilisation de tous les directeurs et responsables d’unité et de service sur la maîtrise de ces coûts indirects.
  
8. La gouvernance du Centre
Les dossiers en cours et présentés ci-avant comme prioritaires mettent en exergue les
indices-clés de l’analyse du positionnement RTO du Centre, e.a. le taux d’autofinancement et le ratio entre personnel RDI et personnel administratif, au-delà de ses KPI contractuels. Ces indicateurs font partie du tableau de bord communiqué mensuellement au CA, tableau de bord ayant connu des améliorations successives au fil des années. La Direction Générale n’est pas d’avis que des éléments essentiels manquent, mais reste évidemment ouverte à toute suggestion de la part du prochain CA notamment quant au niveau et à la fréquence d’information souhaité.
Comme mentionné, des analyses chiffrées d’impact par programme CIP et des analyses de performance par département RDI sont disponibles. Il s’agit cependant d’un outil de gestion rétrospective que la Direction se propose de compléter par un outil de gestion prospective pour les prévisions de fin d’année. Cet outil et le processus y associé sont appliqués pour la première fois cette année. Dans le futur, la présentation du budget pour l’année suivante comprendra également un commentaire sommaire des départements RDI et des programmes sectoriels CIP sur base des chiffres présentés. Cela permettra au CA de se faire une image plus complète de l’activité du Centre.
Enfin, il importe de noter que les dossiers identifiés ci-dessus sont pour la plupart sensibles politiquement. Dans le cadre du défi que représente le regroupement avec le CRP Gabriel Lippmann, la direction du Centre se permet d’interpeller le nouveau CA sur ces dossiers et lui demande comment il pourra contribuer, à son niveau, par rapport (auprès) des parties prenantes externes, dans l’avancement du dossier.



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